Dans les cordes de Pascal Guegan (photo DR), re-baptisé Paco Duke pour son album solo, scintillent les héritages de Jimmy Page, Albert King, Johnny Winter, Ritchie Blackmore, et Clapton. En rafales tutélaires. Pascal Guegan fut l’une figures du Blues Power Band,un groupe de Français piqués de blues qui animèrent la scène internationale pendant vingt ans. Son premier disque solo, Only Dreams Come True, vient rappeler que la France reste une des terres d’élections du blues. En l’occurence du blues-rock. « De tout le blues», souligne trois fois le passionné dans un restaurant des Halles (avant le confinement). Qu’on en juge : Paco s’enflamme autant pour Blind Willie Mc Tell, BB King, Robert Johnson, T-Bone Walker, Muddy Waters, et Lowell Fulson, que pour les «guitar-heroes» du Swingin’ London des Sixties. Notez, quoi de surprenant à ce qu’un féru d’archéologie s’intéressât aux musiques des origines! Lorsqu’il fonde avec Hervé Joachim en 1996 le Blues Power Band, le blues blanc tient le haut du pavé. Paco : «Je reprends le flambeau là où nous avons bifurqué».
Première direction : le Texas de Johnny Winter. Le CD ouvre sur Mr Johnny, hommage virtuose à l’Albinos né à Beaumont, mort en 2014. Le modèle de guitare Stratocaster de Paco s’engage sur la voie rapide du maestro. On retrouve la vélocité généreuse, le phrasé inspiré, la voie lactée de notes de Winter. «A l’esprit, quand je l’ai écrit, j’avais le traitement par Johnny Winter du Highway 61 Revisited signé Bob Dylan». On prend Paco au mot, sans regarder à notre plaisir, lorsque l’on pense à la phénoménale version de Highway 61 Revisited par JW au 2007 Crossroads Festival, (attaque de troupeau à la charge, contrepoints aux phrases chantées). Paco concède un faible pour les gros joueurs de slide. On est servis! D’entre les slideurs, il cite Elmore James et Derek Trucks. Plus surprenant : Ritchie Blackmore, le décoiffant soliste du groupe Deep Purple! Blackmore? «l’idole de mon enfance. Une approche rarissime. Il n’enfile pas le bottleneck au doigt : il le prend en main. Du coup, toucher de velours!» L’émotion du jeu à la slide de Paco se manifeste sur Please Don’t Cry, où transparaît le penchant pour la technique de Mark Knopfler. Puis défile la marque des commandeur . Citons Jimmy Page («la référence en composition»); Michael Bloomfield («il savait tout jouer»); Eric Clapton («le toucher»). Et un colosse : Albert King («un son pas possible»)! Nous partageons, émus, la chair de poule du concert de 1968 au Fillmore Auditorium, sorti chez STAX : Live Wire/Blues Power. Le choc. La musique d’Albert King décornerait un bison. Un disque de chevet. Une addiction. Paco : «rien que la voix énorme sur Blues Power pose Albert King sur un piédestal». On se met d’accord sur les chiffres : chacun de nous aura écouté au moins cent fois Blues Power. Paco me confie que l’on trouve deux sources majeures à la création du Blues Power Band : Eric Clapton et Albert King. D’où le nom du groupe. La grâce d’Albert King a touché Paco à la Patinoire de Boulogne, en 1990, lors du légendaire festival TBB Blues, organisé par Jean-François Deiber. J’ai vu moi-même Albert l’année suivante sur la scène du Trianon (Paris - Métro Anvers). Avec de pareilles connections, on se quitte forcément bons amis. On devait se revoir le 3 avril aux Lilas (concert au Triton). Reporté le 20 novembre, au même endroit, sans doute différemment configuré. Si vous aimez le blues électrique, vous savez où le trouver.
Bruno Pfeiffer